Réforme Macron-Philippe : les femmes, grandes gagnantes, vraiment ? Et à propos du "minimum de pension" vanté par le gouvernement ?
Parmi les multiples groupes de travail consacrés au « chantier retraite » convoqué par le ministre Blanquer, l’un traite de la question des « égalités hommes-femmes ».
La FNEC FP-FO ne s’associera pas à un énième groupe de travail nous expliquant tout le bénéfice des contre-réformes du gouvernement. La fédération s’adresse à nouveau au ministre pour réaffirmer les revendications et en premier lieu le retrait de la réforme de retraite universelle par points et le maintien du Code des Pensions civiles et militaires.
Malgré la communication gouvernementale, rien ne permet d’affirmer dans l’état actuel du projet de loi que le régime universel sera plus favorable aux femmes que le cadre actuel du Code des Pensions.
En effet, notre régime actuel est très protecteur vis-à-vis des droits à congés parentaux et temps partiels qui sont ouverts à tous mais sont utilisés majoritairement par des femmes.
Avec le régime actuel :
- Un congé parental d’un an valide 4 trimestres,
- Un temps partiel de droit pour élever un enfant de moins de 3 ans valide également 4 trimestres (alors que dans le cas d’un mi-temps par exemple, seul deux trimestres sont travaillés).
Avec la loi de régime universel de retraite par points qui a été validée en première instance à grand coup de 49.3 :
Comme ces périodes « inactives » ne sont pas rémunérées, il n’y a pas cotisation au régime universel. Rien ne dit par exemple comment seront prises en compte les périodes de congés parentaux. Il est également à craindre que les périodes non travaillées dans le cadre d’un temps partiel de droit ne soient pas ou soient moins prises en compte. Si aucune compensation n’était prévue, les conséquences seraient catastrophiques !
Si l’on prend l’exemple d’une collègue mère de deux enfants qui prend, pour chaque enfant, un congé parental d’un an, suivi d’un temps partiel à mi-temps d’un an, ce serait pour chaque enfant l’équivalent de 6 trimestres qui sont perdus. Soit 12 trimestres en moins pour la carrière de cette collègue.
Trois ans de cotisations perdus !
Ces mesures s’ajoutent aux pertes de pension considérables qui s’appliquent à tous (jusqu’à 1000 euros de retraite en moins).
Pour la FNEC FP-FO, seul le retrait total de la réforme permettrait le maintien de nos pensions et des avantages protecteurs du Code des Pensions sur les congés parentaux et les temps partiels.
Courrier au Secrétaire d’Etat aux retraites
Paris, le 5 mars 2020
Objet : Minimum de pension
Monsieur le Ministre,
Vous-mêmes, comme le Premier Ministre, notamment dans son discours en réponse aux motions de censure à l’Assemblée nationale, après l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution, mettez en avant « le progrès social » d’une pension « au minimum 1 000 euros de pension en 2022 et 1147 euros à compter de 2025 » pour « quiconque partira à la retraite à partir de 2022, après avoir travaillé toute sa vie au SMIC » en lien avec le projet de loi instituant un système universel de retraite.
Ayant examiné, avec attention, les articles de ce projet de loi, nous notons cependant qu’à aucun endroit ne figure cette disposition. Et pour cause, sans doute, puisque les salariés susceptibles de faire valoir leur droit à la retraite en 2022 comme en 2025 relèveront, quoiqu’il advienne de ce projet, du système actuel de retraite.
Nous vous interrogeons donc quant aux conditions requises correspondant à la formule « après avoir travaillé toute sa vie au SMIC ».
Si l’on se réfère aux articles du projet de loi relatifs à « la garantie d’une retraite minimale », concernant les assurés nés à partir du 1er janvier 1975, on en déduit que les conditions de son bénéfice sont, d’une part, de « liquider ses droits à la retraite à compter de l’âge d’équilibre » et, d’autre part, « d’avoir accompli une durée de 516 mois (soit 43 années) ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré à hauteur d’un seuil fixé par décret en fonction de quotité de travail ».
Vous comprendrez qu’il nous paraît donc nécessaire que les précisions soient apportées au plus vite.
Nous attirons au demeurant votre attention sur le fait que si cette annonce s’inscrit dans le cadre du système actuel, l’article 4 de loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit déjà que « la Nation se fixe pour objectif d'assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance ».
Vous aurez noté que 1000 € en 2022 ne sont pas 85% du SMIC, puisqu’ils ne les sont pas aujourd’hui.
A notre connaissance, la pension pour un travailleur salarié ayant effectué une carrière complète au SMIC (41 ans et 9 mois pour les générations 1958 à 1960), partant en retraite aujourd’hui, atteindrait environ 1032 € bruts, soit 988 € nets (avec un taux de CSG à 3,8% et de CRDS à 0,5%) (retraite de base et retraite complémentaire). S’il effectue une année supplémentaire lui donnant le bénéfice d’une surcote (5% sur le régime général) à laquelle s’ajouterait l’équivalent des points supplémentaires Agirc-Arrco, pour aller à 43 ans de durée d’activité, sa pension atteindrait environ 1075 € brut soit 1023 € nets (hors effet âge pivot introduit dans le régime Agirc-Arrco dénoncé par FO).
Nous attirons cependant également votre attention sur le fait qu’une carrière complète de 42 ou 43 ans au SMIC devrait être exceptionnelle. Nous militons en effet depuis toujours pour que chaque salarié puisse bénéficier d’une progression de sa rémunération avec sa carrière, ce qui donne tout son sens et son intérêt au système actuel retenant pour la retraite de base les 25 meilleures années.
Quant au dispositif du minimum contributif actuel (de l’ordre de 702,55 €), il doit être complété de la pension complémentaire correspondant aux droits Agirc-Arrco acquis par le salarié concerné, ce qui porte la pension minimum, selon les cas, au-delà de 900 € (le plafond du montant total de pensions de retraite ouvrant droit à son bénéfice étant fixé à 1 191,57 €).
Vous comprendrez en conséquence que nous nous interrogeons quant au « progrès social » ou encore à « l’avancée sociale » que représenterait cette annonce pour les salariés.
Vous comprendrez également que dans la mesure où, selon les précisions que vous nous apporterez, cette mesure constituerait cependant un réel progrès dans certains cas (exploitants agricoles, travailleurs indépendants), elle ne justifie en rien le bouleversement de système de retraite que représente le projet de système universel de retraite et ne pourrait être soumise à la condition de devoir imposer « aux Français de devoir travailler plus longtemps » comme y invite le Premier Ministre dans sa lettre aux interlocuteurs sociaux en date du 29 février à la suite de sa décision de recourir à l’article 49-3 de la Constitution.
Yves VEYRIER, Secrétaire général